1914
Le premier officier de réserve belge tué à l'ennemi.

par André BALERIAUX

Il s'appelait René DUFRANE. Il avait 23 ans.

Sous-Lieutenant  de Réserve René DUFRANE

Né à QUAREGNON le 31 mai 1891, le jeune René avait suivi les cours de l'école communale de cette petite commune et obtenu, en 1905, le premier prix d'honneur au concours des écoles communales de QUAREGNON. En octobre 1907, après la mort de sa mère, il habite avec son père et sa jeune soeur au domicile de sa soeur aînée à QUAREGNON. Il s'engage alors au 1er Régiment de Chasseurs à Pied et passe à l'école régimentaire de HUY où il se fait rapidement remarquer par son intelligence, son application et sa bonne conduite. Les notes de son commandant sont des plus élogieuses.

En 1909, toujours à l'école régimentaire, il réussit son examen de sergent et revient au 1er Chasseurs à Pied où il acquiert ses grades: sergent-fourrier d'abord, puis en 1911, il reçoit le brevet de sous-prévôt de pointe et contre-pointe. Mais son père ne voit pas d'un très bon oeil le métier des armes. Sur ses instances, le jeune René participe à un concours pour l'emploi de commis aux chemins de fer.

Il le réussit et, pour satisfaire aux desiderata de son père, quitte l'armée et entre en fonction aux chemins de fer en 1913. Il regrette cependant la carrière militaire et passe ses examens de sous-lieutenance. Il est nommé sous-lieutenant de réserve par Arrêté Royal du 20 mars 1914.

Mais voici que la guerre est à nos portes. Le 1er août 1914, il est rappelé par télégramme et rejoint son régiment à CHARLEROI. Il est dirigé d'abord sur MARCINELLE-HAIES, puis sur NAMUR, HERMALLE et OUGREE où il arrive le 5 août au soir. Depuis la veille, les Allemands ont violé notre frontière... Vers 17 heures, une partie des troupes reçoit l'ordre de se porter vers le Sart-Tilman où l'approche des premiers Allemands est signalée. DUFRANE en fait partie. Il griffonne un mot pour son père. Il ne sait pas que cette carte postale sera, pour lui, la dernière. Il écrit:

«Cher Père, Suis à Liège. Allons au feu sous les forts. Vive la Belgique!
  Bons baisers à tous et au revoir. René.
».

Cette nuit-là, à la bataille du Sart-Tilman, le sous-lieutenant DUFRANE tombe au service de la Patrie... Il sera inhumé côte-à-côte avec le lieutenant d'active Fernand SOHIER, à quelques mètres de l'endroit où tous deux trouvèrent la mort, fauchés qu'ils furent en pleine jeunesse. Par la suite, il fut exhumé et définitivement enterré dans le cimetière militaire de BONCELLES.

A l'initiative de l'Amicale des Officier de Réserve du 1er Chasseurs à Pied, son portrait fut inauguré le 27 février 1936 dans la Salle d'Honneur du Mess des officiers de ce régiment à la casserne major Sabbe à MONS. C'était une manière d'honorer comme il convient la mémoire du premier officier de réserve belge tombé pour la défense de notre pays. Le portrait, voilé aux couleurs nationales, était encadré par le drapeau du Régiment et le drapeau de l'Amicale. Les deux porte-drapeau montaient une garde d'honneur. Devant un parterre d'autorités tant civiles que militaires, le capitaine-commandant de réserve DEPREZ, Président de l'Amicale, remercia les autorités de leur présence et retraça la vie de son camarade dont il fit le panégyrique. La Musique du Régiment joua la Brabançonne pendant que l'on découvrait le portrait et une gerbe de fleurs fut déposée par la famille, le Régiment et l'Amicale. On procéda alors à l'appel des officiers du 1er Chasseurs tués pendant la guerre et le portrait de René DUFRANE fut remis à la garde du Régiment.

René DUFRANE fut nommé Chevalier de l'Ordre de Léopold à titre posthume par Arrêté Royal du 15 février 1915 et décoré de la Croix de Guerre par Arrêté Royal du 18 février 1916. En 1919, le Commandant de son unité rédigea la note suivante:

«Le Sous-lieutenant DUFRANE a servi sous mes ordres au combat de Sart-Tilman le 6 août 1914.
  Il s'est brillamment conduit.
 Avant de participer à l'assaut de la lisière d'un bois occupé par les Allemands, il avait déjà son manteau troué
 de trois balles, ce qui ne diminua en rien son élan et sa témérité.
 C'est en marchant courageusement à l'ennemi qu'il a trouvé une mort glorieuse.
».

Liège, le 22 mars 1919
Le Major MASY